Rythme - 1

Je vous propose un exercice proposé par Jean-Claude Dunyach, qui a pour but d'apprendre à maîtriser le rythme du texte : il s'agit d'écrire une scène suivant ces contraintes : un personnage flâne, puis se rend compte qu'il est suivi, et enfin cherche à s'enfuir. A vous de situer cette scène dans le contexte qui vous inspire, pourvu que l'on sente une accélération dans l'écriture entre le début et la fin du texte.
Pour les questions de rythme, Dunyach nous propose de nous servir de la musique qu'on écoute pour s'y calquer d'un bout à l'autre du paragraphe, voire d'essayer d'utiliser un métronome ! Je n'en ai pas sous la main, mais je vais tenter l'expérience avec des morceaux plus ou moins rapides dont je mets l'intitulé pour vous donner une idée de ma base.
Voici l'article de Dunyach (regarder le paragraphe "La rythmique") : http://sf.emse.fr/AUTHORS/JCDUNYACH/jcdecr.html Sentez-vous une accélération dans mon texte ? Si oui, à quoi cela est-il dû selon vous ?
Plus qu'une chose à faire, lancez-vous dans cet exercice !

Theatre of tragedy, A distance there is.
Fin d'après-midi. Je traîne dans les rues ravagées par la neige, immobilisées et mortes, toutes nues et blanches. Un silence recueilli domine l'atmosphère glaciale, il semble étouffer les mouvements, les ralentir, les étirer dans le temps. J'évolue comme un fantôme, empêtrée dans la toile de l'hiver. Une brume languissante s'étend, tirée vers moi comme une large couverture opaque, pour recouvrir ma vue, diminuer mes perceptions. Je progresse en regardant autour de moi, sans rien voir de particulier, j'avance. Le froid crisse sur ma peau, la lumière écorche mes yeux, et même si je marche, le bout de la rue reste suspendu dans une vague clarté, sans jamais se rapprocher. Je marche depuis des heures, sans savoir où je vais, ni pourquoi j'y vais.
I'm not a hero (BO de The Dark Knight)
Quelque chose, une ombre peut-être, glisse au coin de mes yeux. Je me retourne. J'inspecte la rue. Il me semble tout d'un coup que la lumière a baissé d'intensité. Evidemment, me dis-je, c'est le crépuscule. Et pourtant. Il y a quelque chose d'autre. Comme un remugle d'obscurité, l'intuition primitive des ténèbres qui approchent. Je ne vois personne. Mon pouls s'accélère, sans que je sache pourquoi. Une angoisse sourde mais bien réelle grandit dans ma poitrine, aussi oppressante que le froid de l'hiver. Il y a quelqu'un. Je peux le sentir, sans pour autant discerner une identité. C'est le poids d'une certitude, et l'avertissement aigu de l'instinct qui me crie de courir. Aspirant des bouffées d'air glacé, je marche plus vite, me retournant impulsivement. J'ai cru entendre des pas. Sonnant sur le béton malgré la présence de la neige, comme si celle-ci fondait à l'approche de mon poursuivant...
Introduce a little anarchy (BO The Dark Knight)
C'est sûr, il est là, juste derrière moi. Même si je ne le vois pas. Mes jambes se mettent en mouvement contre ma volonté. Il ne me faut pas plus de dix secondes pour voler au-dessus du manteau neigeux qui veut m'entraver. La peur jaillit de mon ventre à la manière d'une flamme froide qui me sert de carburant. Putain, qu'est-ce qu'il me veut ? Ma vision se trouble, les immeubles basculent, la lumière s'éteint... Merde, qu'est-ce qui m'arrive ? Il me talonne, serrant chacune de mes enjambées. Je me retourne, je ne peux toujours pas le voir. Comme dans un fondu enchaîné au cinéma, la rue se dissout pour laisser place à la vision de mon salut : la bouche de métro. Je cours avec un hurlement animal au fond de la gorge. Je n'ai plus conscience des distances. Je n'ai qu'un seul but. Même si je ne le vois pas, je lui échapperai peut-être. A condition de courir vite. Très vite.

Je pense que oui, le rythme de tes phrases a dû évoluer d'un bout à l'autre du texte. Je crois que cela vient également, comment dire, d'un changement progressif de focale? Car le narrateur, peu à peu, s'enferme sur ses propres perceptions, et revenant à son propre être éphémère et sensible à l'angoisse, il change forcément de rythme par rapport à quand il décrit les rues... Moi j'ai trouvé ton texte très efficace! Je ne sais pas si j'aurais le temps de faire le mien d'ici jeudi, je ne crois pas (je pars à Guingamp tout à l'heure), mais promis, j'y réfléchis!