Le début de la fin

Je ne sais pas si j'y suis autorisé, mais je vous propose un exercice qui me paraît assez rigolo. Je pense qu'il n'est pas évident mais peut donner lieu à quelques résultats plutôt singuliers et déroutants...

Alors voilà : puisque nous sommes plusieurs à avoir des difficultés à achever nos récits, pourquoi ne pas commencer par écrire une fin ? Imaginons qu'une histoire précède cette fin. Celle que vous voulez... Libre à vous de la rendre claire, limpide, ou bien énigmatique, à suivre, simpliste, etc.

Pour compliquer la tache, un petit handicap, naturellement : un des personnages doit mourir.

A vos... claviers !

Alors là je vais faire un truc super abusé, mais promis je repasse plus tard pour faire sérieusement cet exercice.

"Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants, malheureusement le prince volage décéda six mois plus tard de la syphillis."

applause

Thanks, thanks, I'm proud so much !

Bon allez, je m'y mets. Sérieusement cette fois. Bon par contre j'ai pas très bien compris s'il fallait résumer l'histoire qui précède donc j'écris juste une fin en attendant plus de précisions.
Et je trouve que ce topic est une excellente idée.
Désolé pour le super pavé. Et puis, je préviens : je me suis un peu éloigné du prince charmant et de la princesse.





"Cours ! Cours ! Espèce de connard ! Et cours vite ! Si je te rattrape, je te fais bouffer tes tripes, je t'arrache les yeux ! Je te ferai payer ! T'entends, crevard ?! Sale pute ! De toutes façons je te rattraperai... Je te tuerai ! Et pas de la façon la plus tendre, ça, je te le promets ! Salopard ! SALOPARD !"

Pavel s'arrêta soudain de hurler. Il scruta la nuit, arma son flingue. Il commença à avancer lentement. Les boucles de ses rangeos dégageaient un bruit métallique stressant lorsque ses pieds heurtaient le bitume humide. A chacune de ses respirations saccadées par la haine, son souffle se matérialisait en un léger nuage, blanc, gelé. Le prédateur cherchait sa proie, à l'affût du moindre bruit, du moindre mouvement dans ce décor hostile. La rue était totalement déserte, faiblement éclairée par un lampadaire à la lumière hésitante.

"Tu vas sortir de ton trou à rats, grinçait Pavel. Je vais te trouver. Je vais te saigner. Tu vas payer pour ce que t'as fait..."

Alerté par un bruit de verre, Pavel tourna brusquement la tête. Il accéléra le pas, tourna dans une ruelle parallèle, sombre et dégueulasse. Les murs jetaient des ombres inquiétantes sur le sol pourri. Pavel s'approcha lentement de la silhouette blessée, traquée, recroquevillée dans un coin contre une poubelle en tôle. Un sourire carnassier déchira le visage du prédateur.

" Tu te traînes au milieu des ordures et des rats, cracha t-il. T'es bien à ta place, Kirill... Tu vas crever là où tu aurais dû vivre... Comme un cafard..."

Pavel balança un violent coup de pied dans la gueule de sa proie.

"Tu vas payer pour tout ce que tu m'as fait ! Crevard !"

Il ramassa, au milieu des ordures, une bouteille en verre qu'il brisa pour n'en garder que le tesson, qu'il appuya fortement contre la carotide battante de Kirill. Ce dernier souffrait d'une telle crise de palpitations qu'il avait l'impression que son coeur allait exploser. Son souffle rapide et ses yeux terrifiés traduisaient nettement son angoisse. Jamais il n'aurait pensé que Pavel survivrait, le chercherait, le traquerait et le trouverait dans le but unique de se venger. Il avait sous-estimé un homme à qui il avait cyniquement tout arraché et qui, de ce fait, n'avait plus rien à perdre. Il allait s'en mordre les doigts.

" Quel effet ça t'a fait quand tes crevards de tueurs sont passés sur ma femme ? Et quand ils lui ont ouvert le bide alors qu'elle était toujours consciente pour lui arracher l'embryon de quatre mois qu'elle portait ?! Ca t'a fait bander aussi ?!"

Kirill balbutia vaguement une objection. Pavel appuya plus fort le tesson de la bouteille contre son cou. Les rôles s'étaient inversés, le bourreau était devenu victime. Pavel ne ressentait aucune jouissance à faire cela. Il voulait juste que Pavel morfle une bonne fois pour toutes pour ce qu'il avait infligé à sa famille.

"Qu'est-ce que tu dis ? Que ce n'est pas toi qui leur a ordonné de faire ça ?! Bien sûr que si, crevard ! Tu étais là à chaque fois... Et c'est toi qui a balancé du quinzième étage mon fils de huit ans, c'est toi qui t'es marré quand tes tueurs, sur tes ordres, m'ont obligé à regarder de très près son corps éclaté sur le bitume ! Tu t'es aussi beaucoup marré quand tu as vu le regard mortifié de mon frère avant que tu ne lui loges deux balles dans le crâne... Tu m'as obligé à regarder tout ça... Puis t'as essayé de me descendre... Tu m'as laissé pour mort, t'aurais dû t'assurer que je l'étais vraiment, connard. Parce que qu'aujourd'hui, plus personne ne rigole. Ni toi, ni moi, ni tes salauds de tueurs qui bouffent les pissenlits par la racine depuis qu'ils m'ont croisé. Et ce soir c'est ton tour. Je vais te saigner. Et j'espère que t'as peur, parce que ce qui t'attends dans l'au-dela à mon avis est encore moins drôle qu'ici... Le néant. Le vide total. Alors, bâtard, rien à regretter de ton existence misérable sur cette terre, à s'enrichir en tuant, en détruisant des familles ?! Tu vas crever, et avant qu'on retrouve, les rats t'auront en partie bouffé..."

Kirill cracha du sang, toussa, vomit un peu de bile. Il leva les yeux vers Pavel. La terreur dans son regard s'était évanouie, pour faire face à une profonde lassitude. La traque l'avait épuisé. Cela faisait des heures qu'il avait mal, qu'il avait froid et qu'il avait peur. Son bras mutilé lui faisait souffrir le martyre. Pavel se releva brusquement. Lui aussi n'en pouvait plus. Son corps était en train de le lâcher, exténué, et sa santé mentale devenait incertaine. Trop de temps à vivre pour se venger, dévoré par la haine. Trop de nuits sans dormir. Trop de journées sans manger. Trop de cauchemars. Il fallait que ça s'arrête. Pavel pointa son flingue vers la tête de Kirill. Ce dernier leva vers lui un regard presque soulagé, et sembla atteindre la rédemption lorsque Pavel appuya sur la gachette et que son crâne explosa.

Pavel, titubant, fit quelques pas vers la sortie de la ruelle. Rien ne semblait avoir bougé depuis tout à l'heure. Entre bitume humide et étoiles gelées, les poubelles, les vieux lampadaires branlants, tout était à sa place, comme si le temps s'était arrêté. Pavel, harrassé, tomba à genoux. Son corps entier était secoué de tremblements incontrôlables. Un torrent de larmes se déversa sur son visage. Il les essuya d'un revers de main, écartant au passage une longue méche de cheveux blonds. Puis il baissa les yeux, contempla son arme. Il se demanda s'il restait une balle dans le chargeur. Pour vérifier, il appuya le flingue contre sa tempe et pressa la gachette.

Ah ha ! Eh ben voilà ! Ca fait du bien de se défouler ! Non seulement tu as écrit une fin mais en plus elle donne envie de lire ce qu'il y a avant... On y pense pas forcément mais ça peut être un bon moyen de s'y mettre : on écrit facilement un début, on crée une histoire de manière linéaire alors qu'on pourrait très bien commencer par la fin. Je ne sais pas pour toi, Erkek, mais est-ce que ça ne te donne pas envie d'écrire ce qui s'est passé avant ? Ou bien, finalement, ça pourrait faire un très bon début aussi, puisqu'après tout, hein, après tout ?

En tout cas, je suis content que l'exercice t'aie plu ! J'espère que tu ne seras pas le seul à proposer un texte (je compte bien m'y atteler aussi un de ces jours). Quant à ce qui s'est passé avant, non, je ne demandais pas de faire un résumé, c'est bien mieux de laisser place à l'imagination de chacun...

Eh bien, mesdemoiselles... Messieurs... A qui le tour ?

Désolée, ça fait un moment que je n'avais pas eu l'occasion de me connecter C'est un exercice très intéressant et qui par conséquent me fait très peur, alors je vais y réfléchir un peu et j'espère poster dans la journée. En tout cas Erk, j'ai trouvé ton texte excellent : je ne sais pas comment tu fais, mais tu es vraiment très doué pour installer une tension dramatique, personnellement j'en ai le ventre noué! Bon, ce serait sympa si t'écrivais des trucs sur les petits oiseaux de temps en temps lol Je plaisante, continue comme ça, c'est impressionnant

Merci Kalys c'est vraiment sympa. En fait quand je suis brusquement inspiré, comme dans une transe, les personnages, les lieux, les ressentis, et les histoires m'apparaissent, et là, il faut que ça sorte. La preuve : l'autre jour, pas du tout inspiré, j'ai posté sur ce même excercice une phrase débile sans intérêt... Mais c'est vrai que j'ai du mal à écrire des trucs qui finissent bien et surtout qui ne se passent pas trop mal... J'ai écrit une nouvelle y'a quelques années, l'histoire d'un clown, c'est assdez poétique et pas trop noir, pour une fois.

Oche, t'as tout à fait raison, ça m'a donné envie d'écrire ce qu'il y a avant. Le personnage de Pavel traînait déjà dans ma tête avant d'écrire ça, il était pédé, là soudain il est devenu hétéro marié père d'un gamin... J'ai même trouvé l'histoire qui se passe avant. Je vais essayer... Mais il faudrait aussi - et surtout- que je révise le BTS que je passe dans 4 mois...

Bref. Je suis toujours aussi heureux d'être avec vous. Hate de voir vos textes !

Le lendemain le temps était mauvais. Très mauvais. Il ne restait pourtant plus que quelques jours... Qu'est-ce qu'une journée ou deux après des mois et des mois de navigation ? Il était à la barre, mâchonnant le bout de sa pipe, crachant sur le pont de temps en temps en ressassant sa triste humeur. De sa vieille bouche rébarbative il éructait malédictions et jurons plus grossiers les uns que les autres. Cela aurait pu être comique. Mais aucun des matelots ne riait, et personne ne l'approchait. Il se tenait là ombre svelte et terrible, chêne tordu planté sur ses deux pieds marins à la peau de pierre. Et son regard allait droit devant lui, d'une tenace fixité, contenant dans sa couleur amère toute la tempête qui s'ammoncelait là-haut. L'éclair déchira le rideau sombre du ciel et vint frapper d'un éclat éblouissant la silhouette ancienne aux muscles de fer, pas encore fatigués. Chaque tempête est un combat de titans, où le capitaine essaie de faire oublier son navire, le faisant manoeuvrer dans la furie aveugle de la mer et du ciel, pour l'arracher aux mouvements convulsifs de l'océan ; comme si les abysses tentaient de refaire surface et d'engloutir le ciel lui-même. Peut-être ce jour-là serait celui où les abysses tendraient leurs tentacules pour renvoyer la surface à l'intérieur, au fond, dans le noir. Mais cela, personne ne pouvait en avoir la certitude. Alors, on faisait comme d'habitude, on tentait de passer au travers.

La vieille femme se tenait face à la mer, à quelques pas de la maison aussi ancienne qu'elle, comme elle, paraissant se tenir de travers sur la côte, le regard toujours tourné vers l'infini des flots. Elle s'appuyait à la barrière de bois rongée par le sel, ses doigts osseux la faisant souffrir à cause de l'humidité dans l'air, partout comme l'haleine énorme de l'océan essouflé par le vent. Elle attendait. Il devait bientôt revenir. Elle s'acharnait à décrypter l'horizon rendu flou par une brume de pluie, et elle ployait comme un vieil arbre dans le vent violent qui hurlait, affreux écho à son attente désespérée. Soudain quelque chose attira son attention à l'horizon ; une tache plus claire dans le panorama gris noir. Elle plissa les yeux, sans parvenir à voir mieux. L'espérance hurla dans sa poitrine, et elle se mit en mouvement contre le vent, se pliant presque en deux pour avancer. Il fallait qu'elle voit. Il fallait vérifier. Elle avança jusqu'au bord de l'escarpement. C'était bien une voile. Elle pleura une larme aussitôt emportée par le vent. Un instant distraite, elle relâcha son attention et le vent resserra sa prise sur elle, la fit vaciller comme un funambule déséquilibré. Il était enfin revenu. Mourir avec cette certitude c'était un peu moins mourir en vain.

Ils avaient du faire une erreur quelques parts. La terre était là. Malgré la tourmente, on ne pouvait s'y tromper. Il pouvait presque sentir son parfum. La mousse et l'écorce, la bonne terre exhalant son riche parfum de fécondité, sa fixité rassurante, le foyer enfin retrouvé. La tempête n'avait plus d'importance maintenant. Naïvement, comme un enfant, il chercha à repérer sa maison le long de la bande brumeuse plus sombre qui barrait l'horizon, annonçant la fin de la mer. Il était temps. C'était si bon de rentrer chez soi.

Bravo! Mais décidément personne ne semble décidé à écrire une fin heureuse... va vraiment falloir que je m'y mette

Ho j'adore les histoires de marins ! Et je suis toujours autant fasciné par ta façon d'écrire...

A Kalys : à mon avis c'est dur dur d'écrire une fin heureuse a moins que les gentils tue le(s) mechant(s), si une des conditions est qu'un personnage doit mourir...

Mmoui c'est vrai, j'avais oublié la contrainte

--------------------------

Les étoiles filantes pleuvaient dans le ciel de velours noir. Et elles criaient. Un hurlement aigu comme celui des sirènes, dont on ne savait si c'était la terreur ou la folie qui le provoquait. Les arbres se tordaient, la terre vibrait. Un grondement sourd, rythmé, se propageait depuis la chaumière sur la colline. Ses racines se convulsaient sous l'herbe frénétique. Dans ce vacarme d'apocalypse, la vieille dame pleurait doucement, debout devant sa fenêtre, pétrifiée, tremblante. C'était lui, sans doute. Il revenait la chercher. Elle avait peur et elle était bouleversée. C'était sublime.

Elle alla à la porte. Dans sa main si fine, si fragile, elle serrait le châle qui lui couvrait les épaules. Dehors elle lutta, pas à pas, contre le vent. Elle perdit son châle comme elle portait ses mains à ses oreilles, désorientée, affolée par le bruit de nuées qui fondaient sur elle. Des cratères se formaient, d'où jaillissait une boue brûlante. Des éclairs d'une violence inouïe scandaient sa marche chancelante. Et les étoiles criaient toujours.

Elle glissa et fut emportée dans la combe. Quand elle rouvrit les yeux le ciel flambait. On aurait dit un formidable spectacle pyrotechnique, orchestré par un artificier fou. La vieille dame sentait le pouvoir jaillir de ses paumes. Sa douleur explosait en cauchemars étincelants. Ses yeux étaient secs tandis qu'elle se relevait pour contempler la tombe.

Il était là. Jeune, superbe avec son chapeau à plumes, lui souriant de ses lèvres tendres et dédaigneuses. Il l'attira contre lui. Et tandis qu'elle sanglotait enfin, du bonheur de l'avoir retrouvé, du soulagement de son désespoir, il la fondit en lui, dans sa cage thoracique béante. Désormais ils ne feraient plus qu'un.

*

Comme elle ne descendait plus vendre ses oeufs, on s'inquiéta. Des paysans montèrent sur la colline. Elle n'était pas chez elle. On explora les environs. Du fond de la combe, un homme héla les autres. La vieille dame était là, étendue dans la tombe saccagée, pelotonnée dans les ossements de feu son mari. Elle semblait en paix.

---------------------

Thanx to Gae Bolg, pour sa formidable et démente Veuve.

on ne serait pas un peu fleur bleue toutes les deux, avec nos amants perdus ou retrouvés ? Une belle fin en tout cas...

Meuh non
Je sais que ce texte est médiocre, mais cela fait longtemps que j'avais envie de transcrire les images que m'évoquaient cette Veuve. J'espère que vous en excuserez la naïveté

Je ne trouve que pas que ce texte soit médiocre ou naïf, il contient une certaine violence et des images belles et surprenantes, j'ai tout particulièrement aimé l'image d'entrer de se fondre dans le torse de l'amant pour ensuite comprendre que c'est le squelette qu'elle serrait.

Merci c'est gentil